L’après, ici et maintenant

Publié le par Benjamin Marias .


Réflexions personnelles et revue de presse pour se projeter ensemble dans l’après.

Cette épidémie qui nous touche toutes et tous, de près ou de loin agit comme un révélateur. Un révélateur des inégalités sociales à travers le monde et de notre extrême vulnérabilité. Un révélateur des ravages du modèle capitaliste néo-libéral sur notre système de santé. Un révélateur de notre rapport à la Nature et au Vivant. Enfin, un révélateur de la nécessité d’une coopération forte à toutes les échelles (entre les pays, au sein d’un pays, entre des secteurs d’activités, au sein d’une organisation, etc.)

Cette crise sanitaire nous offre une opportunité de ralentir, de reprendre la main sur notre temps, de nous projeter collectivement dans “l’après”. Cela peut paraître inconvenant de parler d’après crise alors que nous sommes au pic de l’épidémie et que tout le personnel de santé est “sur le front”. Pourtant, comme l’évoque Bruno Latour, “c’est bien maintenant qu’il faut se battre pour que la reprise économique, une fois la crise passée, ne ramène pas le même ancien régime climatique contre lequel nous essayons jusqu’ici, assez vainement, de lutter”.

Oui, je fais partie de celles et ceux qui depuis plus de 10 ans essaient de freiner la destruction de la biodiversité et de lutter contre l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Et je dois avouer que c’est un échec. Le principe même de développement durable est un échec. Jamais notre modèle économique n’a été autant destructeur. A la fois pour la Planète mais aussi pour ceux qui l’habitent. Il nous faut passer d’un développement durable dont on s’occupe quand on a le temps à une économie régénératrice et symbiotique qui se trouve au coeur même de notre modèle de développement. Ainsi, quelque soit l’école de pensée ou le concept utilisé (économie circulaire, économie bleue, économie environnementale, écologie industrielle, Cradle to Cradle, etc.) il est désormais impératif de réconcilier biodiversité, climat, innovation et économie.

En d’autres termes, il ne suffit plus de réduire nos impacts négatifs: l’objectif est maintenant d’avoir autant d’impacts positifs que possible. Prenons l’exemple de l’industrie textile actuelle. Même si on cherche à réduire l’impact lié aux matières premières utilisées (coton biologique, polyester recyclé, etc.) ou aux processus de fabrication (teinture sans eau, réduction de la consommation d’énergie, etc.), il n’en reste pas moins que la demande est grandissante et donc l’impact de la filière continue d’augmenter. Nous devons donc changer de paradigme. Les matières utilisées doivent régénérer les sols. Les processus de traitement des eaux usées doivent fonctionner en symbiose avec les écosystèmes naturels. Une usine de production doit être conçue comme une forêt, capable de capter du CO2, purifier l’air, produire de la biomasse, etc. La notion de déchets ne doit plus exister, tout repart dans un cycle.

La même démarche peut s’appliquer à l’industrie outdoor et au secteur du tourisme. Imaginez une paire de ski qui a séquestré plus de CO2 qu’elle en a émis lors de sa fabrication et sa distribution. Imaginez un territoire qui utilise l’économie touristique pour permettre à ses habitants de mieux vivre et s’épanouir tout en régénérant les écosystèmes naturels présents.

 

Changer de modèle

Ne pouvant changer radicalement la trajectoire des entreprises et des territoires que j’accompagne en tant que consultant, je me suis engagé, depuis 2 ans, dans une démarche plus politique, plus systémique. En effet, avec d’autres, je suis convaincu que c’est en faisant évoluer notre système démocratique et notre capacité à coopérer, à travailler en intelligence collective que nous pourrons résoudre ensemble les grands enjeux de demain et donc plus facilement nous adapter aux défis de la modernité.

Cet engagement politique s’est traduit d’une part par le changement de modèle économique de AIR. Mutation d’une SARL vers une SCOP (coopérative d’entrepreneur.e.s). Et, d’autre part, par un engagement personnel (et porté par un collectif puissant) et citoyen dans la politique locale pour favoriser un changement de gouvernance et de vision lors des élections municipales.

Comme l’évoque Boris Cyrulnik, si « être résilient, c’est aller vers un nouveau développement », il est indispensable de tirer rapidement les enseignements de cette crise sanitaire et économique, pour réinventer un nouveau modèle de développement compatible avec les limites planétaires . Ma raison d’être se trouve peut-être là.

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Alors, quelles pistes peut-on suivre pour ne surtout pas retomber dans la frénésie de l’avant crise ?

Voici une liste non exhaustive de réflexions et propositions pour démarrer la conversation :

-> Sonia Shah pose d’emblée les contours du problème : “Contre les pandémies, l’écologie

-> Yuval Noah Harari (auteur du bestseller Sapiens) rappelle quant à lui que
« Le véritable antidote à l’épidémie n’est pas le repli, mais la coopération » ainsi qu’une confiance restaurée entre les différentes strates de la société.

-> Même Natixis dans son Flash Économie du 30 mars sonne la fin du capitalisme néo-libéral… comme quoi tout peut arriver…

-> Gaël Giraud propose, sur la chaîne RT France, de relocaliser notre production industrielle en France et en Europe, en menant cette réindustrialision de manière écologique. Il évoque aussi la nécessité de nous réapproprier “les communs”, tels que la santé, la biodiversité où les communs étant définis comme une ressource naturelle ou culturelle que partage un groupe, avec des règles précises de distribution, de préservation et de promotion. Copyright ID4D.

-> 18 responsables d’organisations syndicales, associatives et environnementales appellent à préparer « le jour d’après » et réclament de profonds changements de politiques et ainsi « se donner l’opportunité historique d’une remise à plat du système, en France et dans le monde ». Parmi ces organisations, nous retrouvons Greenpeace, la CGT, ATTAC, OXFAM, etc.

-> Face à la crise actuelle, l’idée d’un revenu universel refait surface. Qu’il soit “d’urgence” ou “de transition”, qu’il soit associé ou non à une taxe carbone, toutes ces alternatives au monde d’avant méritent d’être explorées et discutées.

-> A l’échelle locale (Pays de Savoie) si vous vous interrogez sur les différents modèles économiques que nous pourrions déployer, alors rendez-vous sur “Juste après, on fait quoi ?” Les lives vidéos pour l’émergence de nouveaux modèles économiques et sortir du business as usual.

-> Bruno Latour dans le magazine en ligne AOC du 29 mars propose quant à lui de nous questionner individuellement sur “les “gestes barrières” pour éviter le retour du modèle d’avant crise. Un outil pour aider au discernement. N’hésitez pas à faire cet inventaire de manière individuelle. 

Enfin pour terminer sur une note plus poétique mais tout aussi politique, François Morel relit Jacques Prévert pendant le confinement !

 

Par Benjamin Marias, co-fondateur et co-gérant de AIR coop